Romanica Olomucensia 2018, 30(1):139-152 | DOI: 10.5507/ro.2018.009
Le bestiaire dans le conte libertin
- Ekonomická univerzita v Bratislave
L'animal fait partie intégrante de l'imaginaire littéraire, et en particulier de l'imaginaire du merveilleux. Or la naissance du conte de fées en tant que genre littéraire se situe à la fin du XVIIe siècle. L'engouement pour les contes de fées, fortifié par l'entrée en scène du conte oriental au début du XVIIIe siècle, amène une réaction parodique arrivant main dans la main avec l'influence du libertinage. La question qui se pose alors, dans la perspective des procédés parodiques et de mise en scène du libertinage dans ces contes, est de savoir comment les animaux (en tant qu'élément traditionnellement indissociable du conte) entrent au service des intentions critiques et subversives des conteurs libertins. Un corpus de contes représentatifs à ce sujet permet d'aborder les différentes utilisations du personnage-animal. Sont ainsi étudiées trois catégories de personnages-animaux : d'abord, les héros-animaux métamorphosés ; ensuite, les animaux adjuvants ou opposants ; enfin, les animaux ne servant que de « décor ». Chacune de ces catégories, identifiables également dans le conte « traditionnel », présente des modifications propres au caractère parodique et licencieux des récits. L'analyse du bestiaire dans le conte libertin mène à la conclusion que l'animal, inséparable du merveilleux traditionnel, ne devient qu'un prétexte plus ou moins nécessaire à la subversion du genre. Et si beaucoup d'auteurs respectent cette convention liée au pays de la féerie, c'est pour mieux la soumettre à l'esprit de dérision.
Mots clés: conte de fées au XVIIIe siècle ; conte libertin ; bestiaire ; parodie ; satire ; libertinage
The bestiary in the libertine tale
The animal is an integral part of the literary fancy, and especially the fancy of the marvellous. Yet the birth of the fairy tale as a literary genre is situated at the end of the 17th century. The keen interest in fairy tales, strengthened by the entrance of the oriental fairy tale in the early 18th century, brought, together with the influence of libertinism, a parodic reaction. The question is, then, in view of parodic processes and the presence of libertinism in these fairy tales, to understand how animals (as a traditionally inseparable element of the fairy tale) enter storytellers' critical and subversive intentions. A corpus of representative tales on this subject enables the diverse ways of using animals as characters to be approached. Three categories of animals as characters are thus studied: first, metamorphosed heroes, then the adjuvant and opponent animals, and, finally, the "scenery" animals. Each of these categories, also identifiable in the "traditional" tale, presents modifications that are specific to the parodic and licentious nature of stories. The analysis of the bestiary in the libertine tale leads to the conclusion that the animal, which is inseparable from the traditional marvel, becomes only a rather necessary pretext for subverting the genre. And if many authors respect this convention typical of the land of fairy, it is to better submit it to the spirit of derision.
Keywords: fairy tale of the 18th century; libertine tale; bestiary; parody; satire; libertinism
Published: August 1, 2018 Show citation
References
- Cahusac, Louis de (2007) [1749], Grigri, histoire véritable, dans Contes (édition critique établie par Françoise Gevrey), Paris : Champion, 161-264.
- Caylus, comte de (2005) [1741], L'Enchantement impossible, dans Comte de Caylus. Contes (édition critique établie par Julie Boch), Paris : Champion, 247-266.
- Caylus, comte de (2005) [1745], La Princesse Azerolle, ou l'excès de constance, dans Comte de Caylus. Contes (édition critique établie par Julie Boch), Paris : Champion, 507-540.
- Cazotte, Jacques (2008) [1741], La Patte du chat, conte zinzimois, dans Contes (édition critique établie par Anne Defrance), Paris : Champion, 987-1052.
- Crébillon, Claude (1999) [1734], Tanzaï et Néadarné, histoire japonaise, dans Œuvres complètes. Tome 1 (édition dirigée par Jean Sgard), Paris : Classiques Garnier, 235-439.
- Diderot, Denis (2008) [1749], L'Oiseau blanc, conte bleu, in : Contes (édition critique établie par Anne Defrance), Paris : Champion, 1413-1508.
- Duclos, Charles (1993) [1744], Acajou et Zirphile (édition de Jean Dagen), Paris : Desjonquères.
- La Morlière, chevalier de (2000) [1746], Angola. Histoire indienne. Ouvrage sans vraisemblance, dans Romanciers libertins du XVIIIe siècle (édition établie sous la direction de Patrick Wald Lasowski), Paris : Gallimard, 673-799.
- Voisenon, abbé de (2007) [1745], Zulmis et Zelmaïde, dans Contes (édition critique établie par Françoise Gevrey), Paris : Champion, 291-321.
- Voisenon, abbé de (1993) [1746], Le Sultan Misapouf et la princesse Grisemine, ou les Métamorphoses, dans Romans libertins du XVIIIe siècle (textes établis, présentés et annotés par Raymond Trousson), Paris : Robert Laffont, 499-534.
- Bloch, Jeanne (2010), « Le héros animal dans les contes de fées de Mme d'Aulnoy », Dix-huitième siècle 42, 119-138.
Go to original source...
- Boch, Julie (2002), « Entre convention et subversion : les contes de Caylus », dans Jomand-Baudry, R. - Perrin, J.-F. (éds.), Le conte merveilleux au XVIIIe siècle. Une poétique expérimentale, Paris : Kimé, 42-54.
- Décote, Georges (1984), L'Itinéraire de Jacques Cazotte (1719-1792). De la fiction littéraire au mysticisme politique, Genève : Droz.
- Gaillard, Aurélia (2007), « Contage et sexualité. Le récit à double entente de Diderot, L'Oiseau blanc, conte bleu », dans Defrance, A. - Perrin, J.-F, (éds.), Le conte en ses paroles. La figuration de l'oralité dans le conte merveilleux du Classicisme aux Lumières. Paris : Desjonquères, 200-215.
- Gevrey, Françoise (2008), « L'amusement dans Grigri de Cahusac », Féeries 5, 79-92.
Go to original source...
- Hellegouarc'h, Jacqueline (2004), « Un atelier littéraire au XVIIIe siècle : la Société du Bout-du-Banc », Revue d'Histoire Littéraire de la France 104/1, 59-70.
Go to original source...
- Perrin, Jean-François (2008), « Le Règne de l'équivoque. À propos du régime satirico-parodique dans le conte merveilleux au XVIIIe siècle », Féeries 5, 133-149.
Go to original source...
- Propp, Vladimir (1970) [1928], Morphologie du conte (traductions de M. Derrida, Tz. Todorov et C. Cahn), Paris : Seuil.
- Robert, Raymonde (1972), « Un avatar du conte de fées dans la première moitié du XVIIIe siècle : le rébus », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century 89, 1357-1371.
- Robert, Raymonde (1982), Le Conte de fées littéraire en France de la fin du XVIIe à la fin du XVIIIe siècle, Nancy : Presses Universitaires de Nancy.
- Robert, Raymonde (1983), « Animaux fabuleux et jeux érotiques. Les fantasmes zoologiques dans les contes de fées des XVIIe et XVIIIe siècles », Corps écrit 6 - L'animal fabuleux, 171-180.
- Robert, Raymonde (éd.) (1987), Contes parodiques et licencieux du 18e siècle, Nancy : Presses Universitaires de Nancy.
- Sermain, Jean-Paul (2005) : Le conte de fées du classicisme aux Lumières. Paris : Desjonquères.
- Stewart, Philip (1973), Le masque et la parole. Le langage de l'amour au XVIIIe siècle. Paris : Corti.
- Thirard, Marie-Agnès (2006), « De l'allée du Roi aux sentiers du bon sauvage : un parcours dans les contes de Mme d'Aulnoy », Féeries 3, 59-74.
Go to original source...
- Thirard, Marie-Agnès (2009), « Belle est la bête, ou le bestiaire fabuleux de Madame d'Aulnoy », Revue des Sciences Humaines 296 - Bestiaire des Lumières, 55-70.
- Tureková, Andrea (2012), « Entre féerie et libertinage : le monde étrange dans Angola de La Morlière », Romanica Olomoucensia 24 (supp.), 127-134.
- Viart, Thierry (2002), « L'Écumoire de Claude Crébillon : le conte dévoyé ou les délices de l'île Babiole », dans Jomand-Baudry, R. - Perrin, J.-F. (éds.), Le conte merveilleux au XVIIIe siècle. Une poétique expérimentale. Paris : Kimé, 400-408.